J'écris. Pour un blog littéraire, il vaut mieux. J'écris de tout, pour les jeunes, les moins jeunes, des nouvelles, du théâtre, de l'humour et mes humeurs. La liste des courses, alors que d'autres dressent la liste de leurs envies... Mais je vous l'épargnerai ! La liste des courses, je veux dire. Donc, bonjour et bienvenue sur "Ah, vous écrivez ?" mon blog littéraire.
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mardi 30 mars 2010

Au four et au pétrin.

Un texte né d'un jeu sur "A vos plumes". Quatre phrases tirées d'oeuvres connues, à insérer dans une histoire en 3000 caractères. (les phrases sont en gras).


Paulette Lestafier n’était pas si folle qu’on le disait. A presque 68 ans, on pouvait parfois douter qu’elle possédât toutes ses facultés mentales. A la voir courir au petit matin, le pied chaussé de ballerines, en jupe et chemisier fleuri, ses voisins avaient fini par s’en persuader. Mais elle allait rendre visite au boulanger, son ami Pedro Santana. Tôt levé, il pétrissait avec énergie, ses biceps luisant de sueur dans la chaleur du fournil. Sa toque immaculée, son marcel immaculé, son tablier immaculé et son visage blanc de farine attendaient tous les matins Paulette à 6 h. Une baguette odorante trônait sur une table, près d’une thermos de café et d’un pot de confiture. Dès que Paulette apparaissait, Pedro s’interrompait et ils prenaient ensemble le petit déjeuner. Un rituel qui durait depuis 25 ans. Mais ce matin-là… Peu avant l’aube, Pedro Santana fut réveillé par la lampe à pétrole qui fumait. Une odeur âcre se répandait dans la chambre. Pedro moucha la chandelle, s’habilla et descendit. La vaste pièce était plongée dans l’obscurité. Seule une faible lueur de jour naissant venait caresser le bord du pétrin. Le boulanger luttait contre ses sentiments. A 52 ans et malgré l’amour qu’il avait de son métier, il n’était pas satisfait. Pas plus de ça que de sa vie. Il rêvait d’autre chose… Il se mit néanmoins au travail, lorgnant de temps en temps sur la pendule. Lorsque Paulette arriva, sa décision était prise.
Au milieu d’une tartine, il demanda :
—Connaissez-vous le nec plus ultra en matière de transport ?
Paulette s’arrêta de mâcher et le fixa, une lueur interrogative dans le regard.
—Le train, ma chère, le train ! N’avez-vous jamais rêvé de prendre l’Orient Express ? Ou le Transsibérien ?
La vieille dame ne le quittait pas des yeux. Où voulait-il en venir avec ses questions ? Il reprit :
—Partons ! Allez préparer vos bagages et revenez. L’agence ouvre dans deux heures, ça nous laisse le temps.
Paulette faillit s’étrangler avec sa gorgée de café. Pedro devenait fou ! Mais l’enthousiasme du quinquagénaire eut raison de ses réticences. Les deux amis se retrouvèrent bientôt sur le trottoir, à héler un taxi, sous les yeux ébahis de Becky, la vendeuse de la boulangerie.
—Monsieur Santana, où allez-vous ? Je vais manquer de pain, moi ! Vous revenez quand ?
Une Mercedes s’arrêta à leur hauteur. L’homme au volant sortit la tête par la vitre et dévisagea le trio, particulièrement la jeune vendeuse. « Si ses miches de pain sont aussi appétissantes que sa personne… » Le chauffeur de taxi se disait que Becky était un beau morceau. Pedro était pressé. Il fit asseoir Paulette, prit place à ses côtés et demanda à l’homme de démarrer. Alors il prit son élan et débita d’une traite :
—Ça fait 38 ans que je respire la farine, 25 qu’on se retrouve tous les matins dans mon fournil. Je n’en peux plus Paulette ! Nous nous aimons depuis 27 ans et jamais je n’ai eu le courage de vivre cet amour au grand jour. Aujourd’hui, j’ai honte de moi. Je vous aime et tant pis pour le qu’en dira t’on. Il n’est pas trop tard, je veux vivre ! Nous allons voyager en train de luxe, n’importe où et nous nous marierons !
Pedro tenait les mains de Paulette dans les siennes. Sa voix tremblait et dans ses yeux, tout l’amour du monde se lisait.

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